L’idée que la conservation des souvenirs se traduit par des changements physiques ou chimiques durables dans le cerveau est, vous le savez, très ancienne (la fameuse métaphore de l’empreinte dans la cire chez Platon et Aristote, par exemple). Dans la littérature scientifique et philosophique, ces modifications sont aujourd’hui appelées des traces mnésiques ou des engrammes. Les deux expressions sont généralement considérées comme équivalentes.
Cependant, une analyse exploratoire des cooccurrences des mots-clés d’auteurs d’articles portant sur ces thèmes indique que ces descripteurs ne se chevauchent pas. Dit autrement, les deux notions seraient utilisées dans des contextes sémantiques en partie distincts. Celle d’engramme est plus souvent exprimée dans les études portant sur les bases neurophysiologiques (synaptiques, cellulaires) de la mémoire, surtout chez l’animal non humain. Celle de trace mnésique est fréquemment associée aux aspects plus cognitifs et de haut niveau du fonctionnement mnésique. La Figure 1 présente le réseau des cooccurences, obtenu à partir d’une requête sur le Web of Science. Les synonymes ou graphies différentes (par exemple, memory engram, engrams) d’une notion ont été fusionnés avec un terme préférentiel (engram). La visualisation du réseau a été réalisée avec VosViewer.

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Les mêmes données montrent une utilisation croissante du terme d’engramme à partir des années 2010 (Figure 2). Celle-ci est certainement liée à l’intégration de l’optogénétique dans la trousse à outils des chercheurs en neurobiologie pour l’étude de la mémoire, et à la découverte concomitante des « cellules d’engramme ». Très brièvement, cette méthode consiste à insérer, dans des neurones du cerveau sélectivement ciblés, des gènes codant pour une protéine photosensible, de la classe des opsines, provoquant alors soit une dépolarisation (lumière bleue), soit l’hyperpolarisation (lumière jaune) des neurones. Dans le premier cas, la lumière va activer les neurones, dans le second, elle va les inhiber. L’expérimentateur peut donc contrôler à sa guise le comportement des cellules nerveuses (lire ici une présentation très claire de la technique).

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La frise temporelle ci-dessous propose une sélection, par définition subjective, de dates dans l’histoire de la notion d’engramme, depuis l’invention du terme jusqu’aux résultats récents issus de l’application de l’optogénétique.
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