Portraits-robots : à lire

En 1910, en Angleterre, le portrait-robot, sous la forme d’un croquis du criminel, a été utilisé pour la première fois dans l’histoire judiciaire. Cette technique a permis l’arrestation du Docteur Crippen, soupçonné du meurtre de son épouse, alors qu’il tentait de fuir le pays à bord d’un paquebot transatlantique.

À ma connaissance, en France, la technique a été introduite lors de l’enquête sur le meurtre d’Eugénie Bertrand en 1953. Malheureusement, son utilisation s’est avérée infructueuse. Les enquêteurs ont employé une technique conçue quelques années auparavant par Roger Dambron. L’inventeur découpait des photographies de personnes, et l’assemblage des morceaux obtenus permettait de créer de nouveaux visages.

Comment expliquer ce résultat décevant ? Les chercheurs s’accordent généralement à dire que nous analysons les visages de manière globale, un mode de traitement appelé configural, et plus précisément holistique. Or, la méthode des portraits-robots impose aux témoins oculaires d’aborder les visages trait par trait. Ce mode de traitement cognitif serait donc incompatible avec la manière habituelle dont nous percevons et reconnaissons les visages.

Les chercheurs ne se découragent pas et explorent diverses pistes pour améliorer la technique. Par exemple, certains ajoutent un entretien holistique pour encourager le témoin à se concentrer sur la configuration globale du visage. D’autres utilisent le morphing de portraits-robots de témoins différents, ce qui permet d’obtenir une représentation plus fidèle du visage que les portraits-robots individuels. Enfin, certains développent des logiciels évolutionnistes (ou darwiniens) pour la construction de portraits-robots, tels que EvoFIT, EFIT-V et ID, qui reposent sur le principe du traitement holistique des visages. Bien entendu, les algorithmes d’apprentissage automatique viennent également enrichir l’arsenal méthodologique des chercheurs.

Les intervenants dans le milieu judiciaire ne sont peut-être pas au courant de l’existence d’une littérature scientifique conséquente sur les portraits-robots. Afin de faciliter l’accès à ces ressources, j’ai compilé, sans prétendre à l’exhaustivité, plus de 160 références bibliographiques publiées entre 1975 et 2023. La bibliographie est disponible en téléchargement ci-dessous dans deux formats : PDF, pour une lecture et une impression aisées, et RIS, pour intégration dans des logiciels de gestion bibliographique tels que Zotero, Endnote et Mendeley.

Celles et ceux qui souhaitent se familiariser rapidement avec les travaux sur les portraits-robots peuvent consulter une synthèse de la littérature, rédigée par un expert du domaine. L’auteur y présente les progrès récents de la méthode, qui permettent de créer des représentations visuelles de visages de plus en plus réalistes, renforçant ainsi son utilité dans le cadre d’enquêtes judiciaires :

  • Frowd, C. D. (2021). Forensic facial composites. In A. M. Smith, M. P. Toglia, & J. M. Lampinen (Eds.), Methods, measures, and theories in eyewitness identification tasks (pp. 34–64). Routledge. https://doi.org/10.4324/9781003138105-5

Les travaux sur les portraits-robots ont ceci de passionnant qu’ils construisent un pont entre, d’une part, la recherche fondamentale sur la perception et la reconnaissance des visages, et, d’autre part, une préoccupation pratique, à savoir l’identification du suspect d’un délit ou d’un crime.

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Photo bannière de Mikhail Nilov.